On ne nait pas champion, on le devient !

Certains sportifs sont très forts à l’entraînement, parce qu’ils s’entrainent des heures techniquement, mais s’ils ne parviennent pas à performer au même niveau en compétition c’est parce qu’ils ont délaissé le travail à réaliser sur le plan mental. Or si le sportif n’est pas au point mentalement, il risque fortement de s’effondrer. Il faut donc qu’il apprenne à développer ses compétences sur le plan mental, comme a su le faire le plus grand champion du judo français, Teddy RINER.

Le 01/04/2019, il a notamment déclaré au journal Ouest France : «J’ai aujourd’hui 29 ans. Lorsque j’en ai eu 14, on m’a dit que j’étais pressenti pour devenir le prochain champion. Comment réagir à cet âge-là? Quand on vous inflige de grosses charges de travail et qu’en face de vous il n’y a que des adultes qui veulent vous casser la figure, qui vous font mal et qu’il faut se relever à chaque fois, que fait-on sans être épaulé? Ce sont les douze travaux d’Hercule que j’ai accomplis avec Meriem. On a abordé diverses thématiques, et si elle n’avait pas été là, je ne serais peut-être pas devenu le champion que je suis. Je ne serais pas là. Le travail avec Meriem m’a apporté au moins autant que l’entraînement sur le tapis. Ça m’a permis de me gérer, parce que la pression à ce niveau-là est énorme, et grâce à elle j’ai appris à la régler, la cadrer, et je reproduis ce schéma tous les jours. Tous les jours, tous les jours. Ça m’aide à être le meilleur en compétition, à tout donner, sans me préoccuper de la pression. Autour de nous, athlètes de haut niveau, on a toujours une équipe, un staff resserré qui nous aide à performer. Mais ce doit être vrai dans tous les sens du terme. La tête, ça se bosse autant que la préparation physique, autant que le judo, autant que la technique.»

Celle qui l’a accompagné sur le plan mental s’appelle Meriem SALMI et elle s’est notamment confiée sur le site huffingtonpost.fr. voici ci-dessous une partie de son récit :

« Le mental est un sujet récurrent dans la presse et dans le monde du sport. Pourtant il est trop rarement analysé. “Il n’était pas dans un bon jour, il est passé à côté…” Il y a tout un registre psychologique, cité dans les médias sans jamais être étudié sérieusement. C’est comme si ne pas avoir de mental était une fatalité. Comme si un simple constat était largement suffisant.

La réussite de Teddy tient avant tout à la qualité et à la régularité de son travail depuis de nombreuses années. On ne construit pas uniquement autour d’un événement, aussi important soit-il. Il s’agit plutôt d’un travail de fond régulier et adapté en fonction des événements. De la même façon qu’il s’entraîne avec intelligence, courage, ténacité… Il s’entraîne psychologiquement. L’objectif est d’obtenir un socle solide au quotidien. On ne peut pas réaliser ce travail sur une courte durée car c’est un apprentissage.

En psychologie, l’intelligence est la capacité d’adaptation à l’environnement. J’aime à dire que le travail psychologique est au service de l’intelligence mais que le sport aussi. Le travail que je réalise avec Teddy repose sur cette capacité d’adaptation rapide et efficace. En fait nous veillons à être intelligent en permanence. Teddy, comme tout athlète de très haut niveau, ne peut pas se permettre de manquer d’intelligence, cela coûte trop cher. Il va apprendre entre autres à gérer des situations anxiogènes, développer des compétences et habiletés qui vont lui permettre d’affronter les difficultés, mais aussi de renforcer ses points forts. Nous passons en revue l’ensemble des éléments qui constituent sa vie: l’environnement familial, le couple, l’environnement sportif, l’environnement social et amical, l’environnement professionnel et sa santé physique et psychologique. Il s’agit d’une approche systémique, nous ne faisons pas focus sur un seul élément de sa vie, les solutions doivent être adaptées, elles doivent être “sur mesure”. J’ai pour habitude de dire que travailler avec des sportifs de très haut niveau doit être de la haute couture et non du prêt à porter.

Teddy a tenu à ce que je sois présente à ses côtés à Rio mais aussi aux JO de Londres en 2012, c’est lui-même qui a financé mon déplacement. C’est lui qui a pris cette initiative, sans que j’intervienne sur l’utilité de ma présence. J’ai également accompagné d’autres athlètes qui me font confiance. Durant la compétition, je l’ai vu quasiment tous les jours. Mais à l’approche de l’échéance le travail de fond est fait dans ces moments là, je suis là pour l’aider à réguler les émotions, identifier certains détails à régler. Nous travaillons ensemble depuis longtemps et il s’agit d’un véritable travail d’équipe aujourd’hui. Avant de monter sur le tatami, il sait ce qu’il doit faire.

J’ai été de 2000 à 2013 la responsable du suivi psychologique à l’Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance (INSEP). J’ai aussi été la première psychologue à être dans la délégation française aux Jeux olympiques de Pékin en 2008. À l’époque, Henri Sérandour, Président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) a pris la décision de m’emmener suite aux nombreuses demandes de Directeurs Technique Nationaux, entraîneurs et athlètes. Depuis, nous n’avons plus eu de psychologue dans la délégation aux Jeux olympiques, peut-être a-t-on considéré que l’accompagnement psychologique des athlètes n’était pas important?

Nous sommes en retard! Les autres délégations sont mieux équipées que nous. Les plus grandes nations du sport comme les Etats-Unis, la Chine ou les pays de l’Est ont des psychologues depuis longtemps, et c’est pour eux une évidence et tout à fait naturel. Nous avons de très grands champions, de très grands techniciens, un encadrement sportif de qualité, des équipes médicales (médecins, kinés…), mais aucun psychologue dans la délégation olympique.

Cela fait environ 25 ans que je suis dans le milieu sportif et nous avons avancé mais pas suffisamment. Je suis triste que l’on considère la psychologie comme la cerise sur le gâteau. Je suis convaincue que l’on pourrait faire tellement mieux. Il ne s’agit pas de défendre l’idée que la psychologie assure une médaille olympique, plusieurs paramètres y concourent. Il s’agit plutôt de dire qu’elle est une donnée essentielle d’autant plus dans la quête de l’excellence. Il est pour moi impossible de prétendre négliger un des éléments fondamental dans un monde d’élite. La performance est précieuse et donc fragile elle s’autorise des réponses complexes et multifactorielles. Elle s’appuie, entre autre, sur l’équilibre du sportif qui pour moi est une question essentielle et difficile. Cet équilibre est sans cesse menacé par le rythme de vie, les blessures, la concurrence, la performance, les difficultés d’ordre privée… Il faut rappeler qu’ils sont avant tout des êtres humains.

Je me bats depuis des années pour faire prendre conscience que les athlètes n’ont pas seulement besoin d’un accompagnement physique. C’est comme si nous étions dans le déni de la réalité humaine, comme si le sportif n’avait qu’un corps, mais pas de tête. Le talent n’est pas suffisant. On ne naît pas athlète de haut niveau, on le devient par une série de transformations biologiques, physiques mais aussi psychologiques. On a tendance à occulter cet aspect mental, car on pense souvent que c’est abstrait, que ce n’est pas visible pourtant le mental est bien concret.

Nombreux sont les analystes à avoir notifié le “mental d’acier” de Teddy Riner, sans toutefois chercher à comprendre son origine. Comme si le mental était forcément inné. Pourtant, on sait qu’il est suivi depuis l’âge de 14 ans1/2, Teddy en parle sans arrêt. Ce que l’on retient c’est que c’est arrivé “comme ça”, par hasard. Evidemment, Teddy a des prédispositions et des capacités hors normes mais Teddy a aussi beaucoup travaillé sur le plan psychologique. Il l’a même revendiqué dans le monde sportif. C’est l’un des premiers à en avoir parlé aussi ouvertement aux médias.

Teddy est arrivé très jeune à la consultation psychologique à l’INSEP. J’étais alors la responsable du suivi psychologique au département médical. Paulette Fouillet, responsable du Pôle France Judo à l’INSEP considérait que Teddy devait être accompagné. La FFJ (Fédération Française de Judo) avait pris le risque de l’accueillir au sein du Pôle France, alors qu’il était le plus jeune judoka (14 ans). Paulette Fouillet était une femme brillante et a eu l’intelligence de considérer qu’il était très important qu’il soit accompagné et me l’a amené. Notre rencontre s’est si bien passée que nous nous sommes jamais quittés depuis. Au début il ne comprenait pas pourquoi on l’emmenait, car il n’avait pas de problème. Au cours de l’entretien, il a rapidement adhéré à la démarche et demandé à prendre un autre rendez-vous.

Quand Teddy est sorti de mon bureau la première fois, il avait 14 ans. Sur le tatami il se prenait raclées sur raclées. Personne ne le connaissait. Et il a dit devant tout le monde “je vais voir ma psychologue”. Il n’a pas hésité, considérant que c’était important pour lui. Aussi jeune, cette posture psychologique de Teddy est le reflet d’une intelligence hors norme, de capacités psychologiques hors du commun. Et même si aujourd’hui Teddy répète que la psychologie est importante dans sa préparation, il n’est pas pour autant écouté à sa juste valeur. Quel paradoxe! »

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *